Par Louis Alexandre de Froissard le 10/08/16

Les bons de caisse : quelle fiscalité applicable ?

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Les plateformes de crowdlending, proposant aux investisseurs de prêter des fonds aux entreprises porteuses de projets, utilisent différents supports juridiques pour les financer:

-Prêts participatifs (le plus répandu, réservé aux personnes physiques)

-Obligations

-Bons de caisse (adapté aux personnes morales – sociétés)

-Minibons (voir ici l’article concernant les minibons).

Chaque support d’investissement a un fonctionnement spécifique (voir l’article ici concernant les modalités de fonctionnement applicables à chaque support). Par ailleurs, des règles fiscales encadrent la perception d’intérêts par les investisseurs. La fiscalité est différente selon que l’investisseur est une personne physique ou une personne morale qui peut elle-même être soumise à l’IR ou à l’IS. En se penchant sur la question de la fiscalité applicable à ces intérêts des bons de caisse, certaines difficultés et incertitudes apparaissent. Ainsi, quelle est la fiscalité aujourd’hui applicable à ces bons de caisse ?

  1. Fiscalité applicable aux intérêts des bons de caisse détenus par des personnes physiques

crowdlending-fisc - copiePeu de plateformes de crowdlending proposent à ce jour aux personnes physiques d’investir dans des bons de caisse (Unilend principalement à ce jour). Le support principal d’investissement reste le prêt participatif (crowdlending) ou encore les obligations (immobilier).

Tout comme les intérêts des prêts participatifs, ou des obligations les intérêts des bons de caisse subissent (sauf exception) un prélèvement à la source de 24%, puis sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu en tant que revenus de capitaux mobiliers.

Il n’y a là pas de singularité entre les types d’outils utilisés par les plateformes, tout au plus, les pertes en capital sont imputables sur les intérêts uniquement dans le cadre des prêts participatifs.

À l’impôt sur le revenu s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 15,5% qui sont dus par le contribuable au moment de la perception des intérêts (pas de déduction des pertes ici).

  1. Fiscalité applicable aux intérêts des bons de caisse détenus par des personnes morales

Les personnes morales soumises à l’IR

yGf10B0nWSZ3-CjIhFAi8H8EAH0Les personnes morales soumises à l’impôt sur le revenu sont des sociétés dites « transparentes fiscalement ». À ce titre, ce n’est pas la société qui est redevable de l’impôt mais ce sont les associés qui sont imposés personnellement à l’impôt sur le revenu ; et ce au prorata de leurs droits dans la société. Ainsi, les règles d’imposition sont identiques à celles présentées ci-dessus et applicables aux personnes physiques.

Les prélèvements sociaux au taux de 15,5% sont là encore dus par le contribuable au moment de la perception des intérêts.

Les personnes morales soumises à l’IS

  • La fiscalité appliquée par les plateformes de crowdlending

bon_de_caisse Afin de connaître les règles fiscales applicables, quoi de mieux que de questionner les plateformes de crowdlending qui proposent des bons de caisse aux personnes morales soumises à l’IS. Mais quelle surprise de constater que presque aucune des plateformes interrogées ne nous indique les mêmes règles…

-certaines appliquent aux intérêts de ces bons de caisse une retenue à la source recommandant l’imputation du montant prélevé sur l’impôt sur les sociétés ;

-d’autres appliquent également la retenue à la source mais cette fois sans aucune indication concernant l’impôt sur les sociétés ;

-d’autres encore n’appliquent tout bonnement aucune retenue à la source.

-L’une d’entre elle a même soumis ses emprunteurs aux prélèvements des personnes physiques !

Nous nous trouvons là face à un réel problème d’application des règles fiscales applicables aux intérêts de ces bons de caisse… Il nous a donc fallu creuser dans les méandres fiscaux afin de mettre en place notre propre analyse des règles fiscales en vigueur. Voici ce que nous en retenons :

  • Notre analyse

 lupe analyseLa réforme de 2013 a modifié le champ d’application de la retenue à la source. Depuis le 1er janvier 2013, elle demeure en effet applicable aux produits bénéficiant à des personnes morales ou à des non-résidents. Les personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés sont donc concernées par cette retenue à la source.

Par ailleurs, les articles 1678 bis et 119 bis du CGI, confirmés par le BOFIP, énoncent que les intérêts des bons de caisse donnent lieu à l’application d’une retenue à la source lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui ont leur siège en France. Sont là encore concernées les personnes morales, qui plus est, soumises à l’IS. Au vu de ces dispositions légales, une retenue à la source est bien applicable aux intérêts des bons de caisse détenus par des personnes morales soumises à l’IS.

Quant à la détermination du taux de la retenue à la source, les articles 187 et 118 du CGI le fixent à 15%. Rappelons que le taux réduit de l’impôt sur les sociétés est également de 15%. Coïncidence ? La question reste pour l’instant en suspens…

  • Les difficultés

avantageCependant, un problème de taille vient contrer notre analyse. Les dispositions précitées se situent dans le Chapitre I du CGI intitulé « Impôt sur le revenu ». Or nous étudions bien ici la fiscalité applicable aux produits détenus par des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ; ce qui devrait en toute logique signifier que ces dispositions soient uniquement applicables aux personnes physiques et aux personnes morales soumises à l’IR… Cependant, la réforme de 2013 ayant écartée la retenue à la source pour les personnes physiques, il est tout à fait possible que l’article n’ait tout simplement pas été déplacé dans le CGI vers une section relative aux règles de détermination de l’impôt sur les sociétés. Cette explication est pour l’instant la seule que nous ayons trouvée…

Une question reste essentielle pour bien comprendre le régime fiscal applicable aux intérêts de ces bons de caisse. Il convient en effet de savoir quelle est la nature de cette retenue à la source. Pour définir cette notion le plus simplement possible, la retenue à la source correspond à un paiement anticipé d’une fraction de l’impôt qui sera ensuite imputé sur le montant de l’impôt à régler. La retenue à la source permet donc au contribuable de bénéficier d’un crédit d’impôt correspondant au montant de la retenue à la source. Francis Lefebvre partage par ailleurs notre analyse en affirmant que « lorsqu’ils donnent lieu à l’application de la retenue à la source prévue à l’article 119 bis, 1 du CGI, les produits des bons de caisse sont susceptibles d’ouvrir droit à l’imputation sur l’IS du crédit d’impôt correspondant ».

nuage de mots bulles : déclaration de revenus fond bleuEn allant un peu plus loin, cette retenue à la source fonctionne de la même manière que les acomptes d’IS versés par les sociétés soumises à l’IS. En effet, ces dernières versent durant l’année 4 acomptes qui sont ensuite imputés sur l’IS définitivement dû au titre de l’exercice comptable. Les similitudes entre les acomptes d’IS et la retenue à la source sont indéniables. Ainsi, ne pourrait-on pas qualifier de « pré-acompte d’IS » la retenue à la source ? La question reste là encore sans réponse claire…

Malgré ces incertitudes, les personnes morales soumises à l’IS bénéficient d’une imputation automatique des pertes. En effet, les éventuelles pertes nées d’un défaut de remboursement des bons de caisse peuvent être déduites par la personne morale soumise à l’IS par le biais d’une régularisation comptable. À ce titre, la fiscalité applicable aux intérêts des bons de caisse détenus par des personnes morales soumises à l’IS est plus avantageuse que celle applicable aux personnes physiques et aux personnes morales soumises à l’IR car la déduction des pertes nées d’un défaut de paiement est réservée aux prêts classiques.

  1. Quelle fiscalité applicable aux minibons ?

minibons-bercyUne autre incertitude plane sur la fiscalité applicable au crowdlending. En effet, le 1er octobre 2016, un nouveau support d’investissement en financement participatif va voir le jour : les minibons. Ces derniers sont en fait une forme de bon de caisse soumis à une réglementation adaptée au crowdlending.

Aucune réglementation fiscale n’a été expressément mise en place pour encadrer ces minibons. La question se pose donc aujourd’hui de savoir si la fiscalité des bons de caisse sera appliquée aux minibons ou bien si des règles spécifiques seront mises en place. Il est souhaitable que le législateur intervienne pour clarifier les choses et pour poser un cadre fiscal clair.

Conclusion

Il existe donc aujourd’hui une incertitude certaine quant aux règles fiscales applicables aux bons de caisse et aux minibons. Il apparaît donc nécessaire de poser une réglementation fiscale claire afin d’encadrer ces supports d’investissement et d’éviter un éventuel risque d’abus par certaines plateformes qui pourraient profiter de ces incertitudes fiscales pour prélever d’avantage de fonds au titre d’un prélèvement fiscal et ce dans le but d’augmenter leur trésorerie…

« Chat échaudé craint l’eau froide », la rédaction d’un rescrit fiscal s’est imposée afin de satisfaire nos exigences de conseils en la matière. Nous ne manquerons pas de vous faire parvenir les tenants et les aboutissants de ces interrogations dès réception de la réponse de l’Administration fiscale.

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Commentaires

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    1. Louis de Froissard Auteur de l'article

      Bonsoir

      Oui nous avons eu réponse à notre rescrit et le tenons à votre disposition.
      Nous l’avons évidement communiqué aux plateformes avec lesquelles nous travaillons et depuis elles appliquent ce que nous leur demandions à l’époque pour les Personnes morales à l’IS à savoir le précompte de 15%.

      Cordialement

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